• (Attention, ceci est long article!)


    Voilà déjà un moment que nous vous parlons du réseau d'entraide et du Localou.

    Les principes sont clairs, les projets encore flous peut-être...où en sommes-nous?

    Musiques
           Tout d'abord, rappelons que le projet de réseau d'entraide a fait naître tout le reste. Il s'agissait de créer les moyens nécessaires au développement d'activités agricoles et artisanales de femmes de La Souche. Ce besoin est né de la rencontre de pauv' mères de famille devant les grilles de l'école.

    La Souche est très rural, mais pas très agricole. Une population très diverse y habite, qui ne se côtoie pas beaucoup. Les chasseurs, les agriculteurs, les personnes agées, les célibataires perdus dans les hameaux nombreux qui constituent la commune, beaucoup de salariés d'Aubenas, des artisans sur les routes. Beaucoup de maisons familiales, habitées les week-end, pendant les vacances, pas habitées du tout.

    L'école, classe unique, a tendance à gonfler en effectif chaque année pourtant: des gens viennent s'installer là, avec des enfants.
    Notons au passage la persévérance de la Mairesse, Mme Charbonnier, pour conserver l'école, le bureau de poste etc. dans ce village deprès de 300 habitants.

    Ainsi, nous avons fini par nous rendre compte que, si la solidarité entre certaines personnes existe bien toujours, il était tout de même difficile à pas mal de femmes d'accéder à des activités qui soient satisfaisantes pour elles, localisées sur place afin de pouvoir continuer à s'occuper de leurs enfants comme elles le désiraient, et de tirer du revenu.

    Musiques
    Pour nous, de la Clémenterie, un autre aspect soutendait notre engagement dans ce projet: la visibilisation du travail effectué chaque jour par les femmes.
    Si les activités menées par les femmes au jour le jour, à l'intérieur de leur quotidien, étaient valorisées à l'échelle  de valeur de notre société capitaliste (les femmes de ménage sont payées, les nounous aussi...), il semblerait bien que le système ne s'en sortirait pas! Que de travail au noir!!!

    Mais il ne s'agissait pas de visibiliser le travail ménager ou éducatif, mais bien tout le reste. Par contre, le travail ménager et éducatif, en tant que réalité concrète nécessitant du temps et de l'énergie doit être pris en considération et géré spécifiquement et collectivement si les membres du réseau d'entraide veulent un jour être à même de réaliser leurs projets.
    Par exemple, permettre à chacune d'assister à des réunions, de participer à des activités non directement rentables ou ménagères, demande toute une réflexion et une mise en oeuvre concernant la garde des enfants: il nous semblait même que ce sujet, plutôt que d'être, comme d'habitude, réglé individuellement (chacune s'arrange avec sa baby-sitter habituelle), se devait de faire partie des véritables préoccupations du réseau.

    Ensuite, monter une association visible, y apposer sa marque, la porter comme un étendard, nous parait indispensable afin que se catalysent là des projets qu'aucune, seule, n'aurait imaginé pouvoir déployer.

    Soyons folles, que diables, soyons ambitieuses et utiles, créatives et pourvoyeuses de valeurs d'humanisme!

    Voilà où se situe le féminisme du réseau d'entraide.

    Nous nous entraidons avec des hommes aussi, à égalité totale. Si jamais le doute subsistait, il n'y a qu'à compter le nombre de nos soutiens et aides masculines pour en être persuadées. Sans compter qu'une de nos bénéficiaires de la plateforme de soutien est un bénéficiaire. Parce qu'aucune révolution ne peut avoir lieu s'il manque la moitié de la population!


    Je reviens au concret, excusez mes tendances à l'envolée lyrique.

    Concrètement:

    • Le Localou: local associatif contenant concrètement un magasin gratuit,

      Musiques

      un coin café associatif et un coin gamins de tous âges. Et dont la place aux activités artisanales et artistiques a été faite, ce Local doit changer de place: il est trop froid, trop insalubre, et son propriétaire va bientôt le reprendre. Nous cherchons un autre local, sur La Souche. Il nous est important que les fonds de vallées vivent aussi, et non pas de regrouper systématiquement les activités intéressantes dans des centres qui ont tendance à grossir.

    • Les pratiques courantes de pressage de pomme et de ramassage de châtaignes, qui auront tendance à augmenter. C'est le côté "entraide paysanne".

    • Enfin, le volet plateforme de soutien au démarrage ou développement d'activité localisée dans la région. C'est cet aspect qui me parait avoir été fort peu décrit jusqu'ici.
    Plateforme de soutien:

    Des études de faisabilité sont en cours, dirigée par Isabelle, présidente de l'association, et Céline qui, dans le cadre d'une Evaluation en Milieu de Travail, se forme à l'encadrement et à la gestion de données. Si vous ne me comprenez pas, ne vous en faites pas, ce n'est pas si sorcier.
    En gros, elles amassent des données concernant chaque membre de l'association qui souhaite développer une activité, nouvelle ou non. A partir d'un questionnaire, elles vont tenter de déterminer, ensemble avec l'intéressé-e si son désir est réaliste, faisable, rentable et à quelle hauteur et décrire les possibilités de développement.
    Jusque-là vous me suivez.

    J'en resterais là pour le moment.

    Voici quelques exemples de projets en projets!

              - Twiggy est devenue une passionnée du pain: elle veut rénover un four à pain traditionnel et suivre des stages de formation à la confection de pain, et ceci auprès de gens qui travaillent avec d'anciennes variété de céréales, bio et tout le tintoin.

              - Isabelle remet en route un verger conservatoire, selon des pratiques de taille douce et de greffage d'anciennes variété de fruits. Au programme: stages et dégustation de jus.

               - Eva et Philippe ont commencé la rénovation d'un bout de châtaigneraie: ils ont fabriqué suffisement de confiture de châtaigne pour vous rendre, et moi aussi, malades d'indigestion. Ils vont probablement acquérir du matériel de pressage et de ramassage.

               - Julie rêve la nuit de sa jument: il lui faut trouver rapidemment moultes activités, outils et partenaires pour travailler suffisemment avec la bestiole en traction animale tous azimuts!

               - Flo aimerait créer une safranière...mais il semblerait qu'elle se dirige plutôt vers la création d'une structure de service à la personne assez inédite...!!!

               - Cécile, lorsqu'elle aura enfin fini de construire sa maison, veut réaugmenter sa capacité en ruche, et nous avons eu plusieurs idées de génie. Comme par exemple: fabriquer des pots à miel en céramique artisanale (Atelier de poterie de Julie) et demander aux acheteurs de revenir avec leur pot l'année d'après...vendre en vrac du si bon miel, quelle classe!

                - Céline qui est agricultrice, veut acquérir un moulin à farine de châtaigne....en complémentarité avec Eva, peut-être???

    J'ai oublié Céline , Pierre et Jacob, Brieuc et Henri, Jean-Claude et les autres, qui font partie de ces personnes avec lesquelles nous échangeons fort et souvent, des conseils et du matériel, des services et des réflexions....des éclats de rire!

    A bientôt et bonne Année!!!

    Jubile


        





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  • LE MONDE | 15.10.09

    Tribune du Monde : l’IVG en France

     

    Bientôt la loi du 30 novembre 1979 aura trente ans. Elle symbolise le mépris dans lequel sont tenues les femmes dès lors qu’il s’agit de disposer de leur corps, puisque la loi de 1975, dite loi Veil, n’a été votée que pour une durée de cinq ans, à l’essai.

    Musiques

    Il fallait que les femmes, ces éternelles irresponsables, fassent leurs preuves ; qu’elles fassent montre d’une saine modération après la scandaleuse audace qu’elles avaient eue en descendant dans la rue, en signant des manifestes magnifiques, en pratiquant des avortements au sein du mouvement social exemplaire que fut le Mouvement pour la libération de l’avortement et la contraception (MLAC) ; il fallait qu’elles prouvent, évaluation démographique à l’appui, qu’elles n’avorteraient pas "par commodité".

    En 1979, les parlementaires estimèrent donc que les femmes avaient donné satisfaction et mérité d’être confirmées dans leur nouveau droit. Ils votèrent la loi dite Veil-Pelletier, qui impose "l’obligation hospitalière" : chaque hôpital public doit créer une structure pour pratiquer les interruptions volontaires de grossesse. Il s’agit de faire d’un droit formel un droit réel, accessible à toutes (ce qui ne sera le cas qu’en 1982 avec le remboursement par la Sécurité sociale).

    Aujourd’hui, la principale menace contre le droit à l’avortement ne vient plus de ses traditionnels opposants religieux, mis politiquement à genoux, mais du démantèlement de l’hôpital public. La situation de l’IVG à l’Assistance publique- Hôpitaux de Paris (AP-HP) en Ile-de-France est exemplaire de la dégradation rampante mais planifiée des capacités de réponse du service public aux besoins de santé de la population.

    Musiques

    Alors que les délais d’attente pour avorter sont de trois semaines et que plus de la moitié des IVG en Ile-de-France sont réalisées par le secteur privé qui ne respecte pas toujours les tarifs réglementaires et refuse parfois de prendre en charge les mineures ou les étrangères sans papiers, l’AP-HP n’a rien trouvé de mieux à faire que de fermer trois structures IVG depuis le mois de mai 2009 : celles des hôpitaux Jean-Rostand (Ivry-sur-Seine), Tenon (Paris-20e) et Broussais (Paris-14e). Le centre d’IVG de l’hôpital Avicenne (Bobigny) fermera bientôt. Ces quatre structures réalisaient environ 2 800 IVG, sur les 12 000 pratiquées chaque année à l’AP-HP en Ile-de-France.

    L’AP-HP assure que cette activité sera transférée sur ses autres hôpitaux. Ces fusions de services sont superposables aux autres restructurations orchestrées par l’AP-HP dans d’autres domaines.

    Dans la novlangue qu’elle pratique à merveille, cela s’appelle des "économies d’échelle". Le principe est simple et familier au monde de l’entreprise, et ce depuis qu’existe l’exploitation de l’homme par l’homme : il s’agit de faire faire le même travail par moins de monde. Le risque est grand que l’AP-HP profite de ces divers déménagements pour assouvir sa principale passion : supprimer des postes.

    Autre échantillon de ce vocabulaire pittoresque qui s’apparente à la forêt amazonienne tellement il relève de la langue de bois : l’AP-HP jure ses grands dieux que l’IVG fait partie de ses "activités socles"Musiques. En d’autres termes, elle considère qu’il s’agit d’un service de proximité. Chacun peut constater ce que devient la proximité et la qualité de l’accueil du public quand on supprime quatre structures IVG pour les agréger à d’autres plus lointaines. Il est permis de se faire du souci pour d’autres activités qui ne font pas partie dudit "socle"...

    Cette politique supprime les centres d’IVG autonomes (produits de la lutte et de la pratique du MLAC) et les unités fonctionnelles d’IVG dont les personnels et les locaux sont dédiés à cette activité. Il s’agit de les noyer dans les services de gynécologie-obstétrique dont l’IVG est parfois la dernière des préoccupations, et d’en finir ainsi avec des équipes militantes et motivées, sous prétexte de réintégrer l’IVG dans le "droit commun" hospitalier - langage cette fois juridique qui vient rappeler à qui l’aurait oublié que le combat pour la légitimité de l’avortement n’est jamais définitivement gagné. Ce processus de normalisation répond donc à des objectifs économiques autant qu’idéologiques

     

    Musiques

    D’autre part, l’argument relatif à la nécessaire réduction des délais d’attente pour avorter est parfois utilisé à mauvais escient, notamment contre le service public. La possibilité d’avorter hors de l’hôpital par la méthode médicamenteuse doit être défendue comme un moyen d’élargir la palette de choix des femmes, non comme un prétexte pour dédouaner le service public de ses responsabilités en matière d’avortement.

     

    Et pendant que le service public de santé se saborde, le privé se désengage progressivement de la pratique des IVG, jugée peu rentable.

    Le gouvernement et la direction de l’AP-HP présentent cette évolution comme inéluctable, ce qui correspond à une technique de communication largement éprouvée pour désarmer les luttes et toute velléité de contestation de la part des professionnels et des usagers. Pourtant, il s’agit bien d’une politique consciente, entamée depuis plusieurs années sous la houlette des gouvernements successifs et qui concerne l’ensemble du système de santé, et son échec est patent : depuis 1987, la moitié des maternités françaises ont été fermées, et avec elles leur activité IVG.

     

    L’argument selon lequel ces fermetures sont liées à des impératifs de sécurité est un mensonge, et loin de réduire les inégalités sociales, cette politique les creuse : la très riche ville de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) a conservé trois maternités pour ses 70 000 habitants, tandis que l’ouest du Val-de-Marne n’a plus que deux maternités pour 400 000 habitants et quatorze agglomérations. Un des résultats de cette politique désastreuse, c’est que la situation actuelle de l’avortement à l’hôpital public correspond à un recul grave par rapport à l’obligation hospitalière incluse dans la loi de 1979.

    Musiques

    Cette dégradation du service public de santé n’est pas inévitable, elle résulte de décisions politiques. La politique, c’est le rapport de forces. Ce que le pouvoir politique a fait, les luttes sociales peuvent le défaire. La lutte paie, en 1979 comme en 2009, et c’est pour cette raison parmi d’autres que nous manifesterons nombreuses et nombreux le 17 octobre, pour les droits des femmes, pour leur liberté, pour leur autonomie, pour la défense de l’hôpital public et de ses structures IVG autonomes (en termes de personnel, de budget et de direction), et pour la création d’autres structures dédiées à l’IVG dans les hôpitaux où elles n’existent pas.

    Pour que le droit à l’avortement ne soit pas un article de loi sans contenu ni garantie, mais un droit réel, pour toutes. En 1979 comme en 2009.

     

    Maud Gelly, Béatrice Fougeyrollas et Emmanuelle Lhomme, médecins au centre d’IVG de l’hôpital de Colombes (Hauts-de-Seine). Maya Surduts et Nora Tenenbaum, militantes de la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception.


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